Coeur n’en est plus à son coup d’essai musicalement. Membre du groupe Schlaasss dont elle forme le duo avec Daddy Schwartz, Coeur fait maintenant parler d’elle en solo. Après l’avoir découvert à travers le morceau Bébédamour dont nous vous parlions ici, nous avons rencontré Coeur à l’occasion de la sortie de son nouveau morceau Loving V, dont le clip sortira le 22 novembre. Une artiste féministe, engagée, à la musique pleine d’émotions et sans concession. Elle nous parle de sa vision du monde et de la musique, de son parcours et de ses inspirations. Rencontre avec…
Salut Coeur, comment vas-tu ?
Ça va.
Peux-tu nous expliquer d’où vient ton nom d’artiste ?
J’étais assez admirative des gens qui chantaient avec le coeur. C’est un peu cliché, mais c’est plus pour dire que je n’essaye pas de transformer les émotions, mais de les retranscrire au plus proche. Ça s’est un peu imposé. J’adore aussi les formes de coeur. Ça représente beaucoup de choses.
Tu fais parti d’un groupe, Schlaasss, pourquoi ce besoin de faire de la musique en solo ?
Schlaasss est très ironique, très punk et décalé. Mon binôme dans Schlaasss vient beaucoup plus du rock et il est moins passionné que moi par le hip-hop. J’avais envie de faire de la trap et du hip-hop plus émotif, et ça ne pouvait pas être dans Schlaasss. De plus j’ai eu une période de ma vie qui a fait que j’avais beaucoup envie de parler d’amour donc Coeur est né.
Où en es-tu avec Schlaasss ?
On continue, nous avons des dates cet hiver. On a énormément tourné. J’aime vraiment la scène. On a fait plus de 300 dates ! On a été au Japon, et dans plein de pays !
Les Japonais sont-ils réceptifs à votre musique ?Schlaasss ça a très bien marché au Japon ! Je crois que Coeur aussi va très bien marché la-bas. C’est très kawaii.
On peut sentir plusieurs influences musicales lorsque l’on écoute du Coeur, comment qualifierais-tu ton style ?
C’est un problème que j’ai dans tous mes projets. J’aime beaucoup le hip-hop mais j’ai en même temps d’autres influences. Je dirais trap-love, mais cela dit certains de mes morceaux ne sont pas de la trap. J’ai de multiples influences. Certains morceaux qui ne sont pas encore sortis sont presque de la variété, de la chanson française.
A quel moment dans ta vie t’es-tu dis que tu voulais faire de la musique ?
Dès que j’étais petite je savais que j’allais faire de la musique. Mon parcours a cependant été très chaotique. Lorsque j’étais petite j’ai été dans une école de musique et on m’a dit que j’étais une grosse merde ! J’avais des nodules sur les cordes vocales ce qui faisait que j’avais une voix très cassée depuis petite. J’ai rectifié ce problème avec de la rééducation un peu tard car je n’ai pas été diagnostiquée assez rapidement.
De plus je n’avais pas le sens du rythme donc très tôt on m’a fait comprendre que la musique n’était pas pour moi. Malgré tout ça, depuis que j’ai 4 ans je sais que c’est de la musique que je veux faire ! Sans vraiment savoir que je pourrais réellement y arriver. C’est des choses intérieures que l’on sait, et on fini par trouver un chemin car les choses de la vie font que.
Je trouve sur « Bébédamour » que la prod sublime vraiment bien tes voix, comment s’est construit ce morceau ?
Sur Coeur je travaille avec deux producteurs en particulier. On était allé en résidence chez un ami dans une baraque à la campagne avec eux. On était assez sérieux, avec chacun deux postes de travail. Chacun préparait des prods. et on faisait des tests. Au bout de deux jours on était vraiment crevés, on avait été sérieux depuis le début et là, arrivé au soir on avait fumé de l’herbe, bu du rhum. Je suis descendu avec mon ami Bonetrips, il m’a fait écouter la prod. de Bébédamour et j’ai fait un freestyle !
J’étais défoncée avec ma capuche, on était morts de rire, mais c’est sorti tout seul !
Il y a t-il un message que tu as voulu faire passé dans ce freestyle ?
C’est lié au fait que j’écoute moi-même beaucoup de trap assez sexy, sexuelle et d’engagement. C’est la multiplicité des influences qui a fait que c’est ressorti comme ça. Les paroles sont hyper légères, mais en même temps dans toute la trap américaine que j’écoute les propos sont souvent légers, et ça fonctionne quand-même. Ça t’enjaille ! Lorsque l’on a commencer à faire ce morceau sérieusement, on s’est rendu compte que c’était drôle, et que c’était bizarre que ce soit drôle car si c’était un mec ce serait classe. Ça questionne le côté Bitchy. Quand tu es une meuf, si tu te place désirante, montrant son désir, tu es un peu cataloguée comme une connasse en France. Comme quand tu es sexy. En France il y a quelque chose de “ Si tu es intelligente tu ne fais pas ça”. Même quelque chose de classe, si tu fais ça en fait, tu es pauvre, et conne ! Je trouve ça intéressant à questionner. (Slut-shaming).
C’est ta manière de militer ton féminisme ?
Complètement. Le militantisme de pouvoir dire moi aussi, j’ai envie de te niquer, parce que je suis une meuf. Ce n’est pas pour autant que ça fait de moi une idiote, ni une victime. Pourquoi ça donnerait du pouvoir aux mecs de faire ça, et nous, nous rabaisserait ?
Ta musique est féministe ?
Oui, totalement.
Qu’est qu’être une artiste féministe en 2019 ?
Faire ce qu’on a envie de faire, sans se poser la question de savoir pour qui on va passer. C’est de défendre ses soeurs, vraiment de déconstruire tout ce qu’on peut pour se sentir libre. Le féminisme hyper prescriptif je ne saurais te dire. Je me suis faite embrouillée par des féministes au début de Schlaaass parce que je jouais sur le tableaux de l’ultra virilité.
Pour moi c’est ça. Faire ce qu’on veut faire. Dans l’industrie musicale c’est ne pas me laisser emprisonner par des “Il faut, tu dois faire ça, tu dois choisir”.
Par exemple, j’ai une voix qui peut se poser sur des sonorités assez douces. Mais même temps je peux avoir des morceaux de rap un peu hardcore et souvent on me demande de choisir. Où justement tu n’as pas le droit d’avoir un prisme aussi large que les mecs dans ta façon de t’exprimer. Et être féministe c’est justement ne pas céder à ça. Quand tu prends une posture ou tu t’affirme ça créer des énergies de désirs compliquées. C’est continuer à questionner ça et ne pas se laisser enfermer par les injonctions. Continuer à être libre.
Tu as grandi à côté de Lyon, est-ce que ta musique est influencée par cette scène ?
Pas du tout, je ne suis pas quelqu’un de mondain musicalement. Ce que j’écoute, c’est ce que j’aime. Je ne pense pas qu’il y ai quelque chose de local dans ma musique. Cependant je pense que ne pas être a Paris créer quelque chose.
Qu’est ce que tu écoutes comme musique ?
J’écoute beaucoup de choses. Beaucoup de trap et de rap. Il y a plein d’artistes que j’adore. Du rap français. Du rap toute la journée.
Sont-ce des musiques qui t’influencent ?
Oui bien sûr, par exemple en ce moment Espagne il y a une scène trap-raggaeton qui se développe et qui est géniale. J’adore. Il y a un côté très cheap mais ils font des choses géniales avec ça. Ça influence énormément ce que je fais. La musique que tu écoute toute la journée t’infuses.
Tu es chez Mutant Ninja Records, vas-tu sortir un projet étoffé chez eux ?
J’aimerai beaucoup. Je voulais sortir un album au départ, mais il faut des sous et des moyens et je n’ai pas envie de sortir ça n’importe comment. Mais musicalement et artistiquement nous sommes prêts.
À quoi ça ressemblerait ?
Un château avec plein de pièces différentes. Dans les thèmes il y a quelque chose qui se tient. Ca pourrait faire penser à des contes de fée d’Andersen. J’ai relu La Reine des neiges et c’est une belle histoire. Elle fait tout pour retrouver son mec. Je trouve que c’est même presque un peu féministe. C’est aussi initiatique. Plein de messages cachés, du plaisir narratif et en même temps des messages. C’était destiné aux enfants pour leurs donner plein de clés de vie et dans mes rêves mon album ferait un peu la même chose.
J’ai été sauvée par la musique, et j’ai un peu envie de rendre la monnaie de la pièce.
Tu as fait beaucoup de scènes avec Schlaaass, comptes-tu en faire avec Coeur ?
Bien sûre je compte killer le game ! Sur scène je suis avec deux drag queens Olek Do et Messalina Mescalina qui sont avec moi dans le clip de bébédamour. On a un show à l’américaine qui pète vraiment sa daronne ! On est super chaudes !
Apportes-tu une importance particulière à la représentation visuelle de ta musique ?
Oui.
Ton nouveau morceau sort le 22 novembre « Loving V ». J’y sens beaucoup d’émotions et de hargne dans ta voix. Tu t’es inspirée de vécu une fois de plus ?
Oui d’une histoire vécue dans une vie antérieure, me demande pas de détails, on m’enverrai direct en hôpital psychiatrique ici.
Quand tu dis j’ai été buté mon amour, à quoi fait tu référence ?
Je vais devoir donner des détails et passer pour une folle !
Je fais référence au fait que dans une vie antérieure on m’a butée, on m’a tuée.
On m’a assassinée parce que je tenais la main de la personne que j’aimais dans la rue la nuit. On était un couple inapproprié semble t-il. Je ne sais pas si dans cette vie j’étais une femme ou un homme, si on a été agressés parce qu’on était du même sexe, ou que j’étais blanc et qu’elle était noire. Ou que j’étais une sirène et que c’était un dragon. Je n’ai pas accès à ces détails là pour le coup !
Je ne sais pas si c’est des policiers, des voyous ou des religieux qui nous ont attaqué.
Mais ils m’ont tué. Et du coup mon âme s’est envolée dans le cosmos alors que l’amour de ma vie hurlait dans la rue. Ça m’a un peu contrarié, c’est ça que je raconte dans la chanson !Quel est le message que tu veux faire passer à travers ce morceau ?
Je veux défendre les couples gays, mixtes, transgenres, inter-religieux etc. qui se font attaquer, tabasser, critiquer, menacer, tuer. Je dis que moi ça m’est arrivée, que ce soit vrai ou non je m’en tape, je reviens m’incarner dans cette vie et retrouver ma panthère.
C’est la vengeance de l’amour frère : « Loving V », à travers les âges !Qui a fait cette instrumentale aux influences mélangées et complètement dingues ?
Alors c’est en réalité un des premiers morceaux qu’on a fait avec « Cœur », au départ j’ai travaillé sur ce son que mes frérots Bonetrips et Chicho Cortez avaient préparé pour Booba ! Au début c’était un morceau fleuve, énorme, hyper complexe. Nicolas Steib y a ajouté sa pâte et on a finalement au bout de longs mois, trouvé une forme qui nous convenait à tous. Même si personne ne captait ce que je racontais !
Est ce que tes prochains morceaux seront aussi intenses et avec autant d’émotions ?
C’est la base. Les mots sont faits pour oublier les maux. Sentir son cœur battre et ses poils se hérisser, c’est le seul goal !
Le média Superbe parle de culture française mais aussi de sapes, aurais-tu des créateurs français à nous conseiller ?
Je n’ai pas une thune, du coup je m’interdis de m’intéresser à ça. J’adore la mode donc je me débrouille avec de la fripe, de la récupération, des choses peu chers. Les drags-queens ont beaucoup de tips là dessus parce qu’elles sont comme moi. La mode m’intéresse à fond mais je me l’interdit sinon je n’aurai plus d’argent. Je pense que je m’y intéresserais quand j’aurai de l’argent. Ce sera la prochaine étape.
En quoi COEUR #CESTSUPERBE ?
Parce qu’un coeur qui bat c’est toujours SUPERBE.
Propos recueillis par Kevin Berard / Crédit photos Hector Superbe.
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