Plus de dix années qu’il rappe. Il vient de sortir un featuring avec le rappeur GUIZMO, qui vient de dépasser le million de vues. En juin dernier, le rappeur de Valenton sortait sa première mixtape intitulée LIFE II TESS’, un enchaînement de titres conscients, nerveux et intelligents mettant à l’honneur sa plume et son flow maitrisé. RENCONTRE AVEC un rappeur de tess’ qui sait d’où il vient et où il va…
… IGOR LDT, comment vas-tu ? Pourrais-tu te présenter aux lecteurs de SUPERBE MEDIA qui ne te connaîtraient pas ?
Très bien et toi ? Moi c’est IGOR LDT, j’ai grandi dans le 94 à Valenton et j’y suis encore. Je suis un rappeur du label OVERDOSE PROD. et je fais de la musique depuis plus de 10 ans maintenant.
Ton prénom c’est Igor, mais alors pourquoi « LDT » ?
LDT parce que mes amis m’appelaient « lascar » dans mon quartier et j’ai pensé qu’en rajoutant « DT » donc « De Tess’ » ça pouvait compléter mon blaze IGOR LASCAR DE TESS’.
Ok ! Et pourquoi « LASCAR DE TESS’ » ?
(Rires) C’est pour représenter dans nos quartiers !
La banlieue est d’ailleurs l’un de tes sujets majeurs ! Tu vis dans le 94, à Valenton. Est-ce que vivre là-bas t’as inspiré à faire du rap ?
Je fais du rap pour représenter les gens du 94 parce que la ville est plutôt petite. Valenton n’est pas très connue, j’ai envie de mettre un peu de lumière dessus par le biais de mon art mais je rappe surtout pour toutes les banlieues !
On sent d’ailleurs que l’écriture des textes est une des parties déterminantes de ton rap. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ton cheminement à l’écriture ?
J’ai toujours rappé comme ça, c’est dans ma nature ! Mes inspirations premières viennent d’artistes comme SALIF, ROHFF, KERY JAMES… Toute cette génération des années 90 à leur apogée. A cette époque, j’avais 15 ans, donc il est vrai que cela m’a donné envie de concevoir un rap aux influences similaires de ce que j’avais pu entendre dans les 90s. Quand j’écris mes textes, il est important pour moi de faire passer un message. Je ne peux pas faire du rap insensé, il faut qu’il soit conscient.
Justement ce côté conscient dans ta prise de parole fait pour moi que tu es un des rares rappeurs à textes catégorisé « banlieue » de nos jours ! Est-ce que tu en as conscience ?
J’en fais parti, mais je ne pense pas être le seul ! J’écoute énormément de rap français et je peux te dire qu’il y en a d’autres !
Pourrais-tu me citer quelques exemples ?
Mon pote GUIZMO déjà, et NINHO, sont pour moi les principaux rappeurs à faire du rap conscient.
Tes textes portent énormément à réflexion. Qu’aimerais-tu idéalement apporter avec ton art ?
J’aime apporter ma vision de la vie et j’aime particulièrement la défendre dans sa profondeur, contrairement à sa forme même si le rap en soit est porté sur l’image.
Justement, parlons de fond. Le sujet du FN revient régulièrement dans tes différents textes, et notamment dans un de tes derniers textes intitulé « DOUCE FRANCE » . Un sujet rarement abordé de nos jours par les rappeurs. Pourquoi ce sujet te tient-il particulièrement à coeur ?
Ca me tient à coeur parce que Marine le Pen est devenue ennuyante. Ca fait 10 ans qu’elle radote les mêmes choses, et il y en a marre. La France est bleue, blanc, rouge et pour elle si il n’y aurait qu’une couleur sur le drapeau, ça aurait été la couleur blanche… Il faut de tout pour que la France existe et selon moi il faut tout sauf elle (Marine Le Pen) parce qu’elle ne sert à rien. Il fallait que je le dise.
Tu votes personnellement ?
Je vote depuis que j’ai 18 ans, et je vote pour avoir le droit de dire merde !
Vois-tu le rap comme une passion ou une façon de réussir ta vie ?
Le rap a toujours été une passion mais j’essaye de trouver des solutions pour m’en sortir en faisant ce que j’aime car je ne fais que ça dans mon quotidien.
Parlons de ton flow, tu « kickes » énormément et plutôt très bien. Quelles seraient tes influences artistiques en terme de « kickages » ?
J’écoute beaucoup d’artistes, mais SALIF est vraiment ma référence dans le « rap game », c’est lui qui m’a mis la puce à l’oreille. Sinon, BOOBA, ROHFF, LA MAFIA K’1 FRY et bien d’autres rappeurs des années 2000. Cela ne m’empêche pas d’écouter les artistes actuels, car c’est important de s’ouvrir et de ne pas rester focalisé uniquement sur une période. Je peux par exemple écouter du MAITRE GIMS, tout comme être inspiré par du KERY JAMES. Le rap français de manière général est une très grande source d’inspiration pour moi.
Dans le titre « MOOD » issu de ta dernière mixtape intitulé « LIFE DE TESS” » , tu parles de la nécessité de gagner de l’argent. Comment est-ce que tu comptes le gagner et pour en faire quoi ?
Pour me mettre à l’abris ainsi que les miens. Comment ? De toutes les manières possibles. L’argent c’est important, il faut rester focus pour en gagner car une fois que tu as accompli cette part du travail, tu peux avoir l’esprit tranquille pour ensuite enchaîner sur d’autres projets. Je pense qu’avoir de l’argent, c’est une forme d’accomplissement de soi et de liberté. Sans argent, on ne peut rien faire. Tu sais des gens dorment sous des abris bus, et quand tu regardes ce qu’il se passe dans le métro parisien, tu constates que les gens ne sont pas libres de dormir où ils veulent. L’argent c’est une forme de sécurité. Les gens devraient penser à se mettre à l’abri grâce à l’argent. Si tout le monde avait de l’argent, il n’y aurait plus de problèmes de racisme. Si tu te sens mal dans un endroit et bien tu changes d’endroit tout simplement, le problème est réglé.
D’ailleurs c’est un titre qui a été clipé et son esthétique est particulièrement soignée. Est-ce que tu pourrais nous parler de ta volonté visuelle sur ce morceau là ?
Je l’ai conçu avec la personne qui réalise mes clips. On s’entend très bien sur la réalisation artistique, il s’appelle Rodolphe ! Nous voulions réaliser un clip qui me représente réellement car je porte énormément la marque CHAMPION (rires) ! Cette marque me ruine clairement ! Concernant le scénario du clip, nous avons fait beaucoup de placement de produit lié à cette marque. Nous avons voulu faire un clip qui me représente et vu que dans la vie de tous les jours je porte beaucoup de CHAMPION, j’ai voulu le mettre en avant. Mon pote Rodolphe étant très doué pour la mise en scène, la réalisation de la vidéo est venue avec cette idée simple de mise en scène. C’est pour cela qu’on a réalisé ce projet dans le spot que vous voyez dans notre clip. On a voulu montré notre lifestyle à travers ce projet de vidéo clip.
Peux-tu nous expliquer ta volonté de sortir une mixtape plutôt q’un album ?
C’est un choix personnel, car justement deux semaines avant la sortie de cette mixtape, nous nous demandions s’il fallait la sortir en tant qu’album. Je pense que ce projet a toutes les qualités nécessaires pour être reconnu comme un album mais vu que c’est mon premier projet, j’ai décidé de projeter cet opus comme ma carte de visite et donc en tant que mixtape. Nous sommes conscients de la qualité de cette tape mais nous voulons réaliser un projet beaucoup plus lourd que celui-ci. Nous ne voulions pas non plus être prétentieux en sortant un opus comme celui-là et le reconnaître comme un album.
Je comprends très bien ton point de vue, mais tu rappes depuis maintenant 10 ans !
Ca fait dix ans que je rappe mais ça ne fait pas dix ans que les gens me connaissent ! Autant envoyer une mixtape en montrant que nous représentons nos convictions en continuant sur cette lancée.
Dans ton titre « AILLEURS » , tu dis : « Je ne vais pas faire ce qui peut leur plaire, si ça ne paye pas, je ferai mon biff’ ailleurs ». Est-ce que tu peux nous détailler un peu plus cette pensée ?
Mes pensées sont focalisées sur la liberté et l’argent. Cela veut dire que si le rap ne marche pas, je serai amené à faire autre chose.
Et « Je ne vais pas faire ce qui peut leur plaire », est-c’est artistiquement parlant ?
C’est une allusion qui correspond pour moi à la vie de tous les jours. Quand j’entends ma mère qui me dire que « je devrais aller travailler » et bien je n’irai pas forcément dans son sens et je ferai ce que moi j’entends. C’est pareil pour la musique, je fais ce que j’aime, je ne fais pas du rap, pour faire du rap. Ca va bien au delà de ça. Je suis un hippie de banlieue, je fais ce que je veux. Ma vie ne regarde que moi, on en a qu’une, donc je ne vois pas pourquoi j’irai dans le sens des gens. Je m’écoute, et je sais dans quelle direction je vais.
Dans « A QUAI », tu dis : “Je n’ai jamais voulu demander de l’aide, ça explique peut-être mon retard.” Qu’est-ce que cela veut dire pour toi ?
En fait, j’ai du mal à demander de l’aide aux gens de manière général. Je veux dire par là que je préfère faire les choses par moi-même car je suis convaincu que je peux trouver une solution tout seul. Chaque problème à sa solution. Je prendrai le temps de bien faire les choses afin que tout fonctionne comme je l’entends. Bien sûr, il y a du monde autour de moi qui me supporte, et qui me pousse à aller de l’avant. Après il est vrai que ma personnalité peut faire transparaître aux autres que je n’ai pas besoin d’aide, mais je sais bien qu’il y a des personnes qui me soutiendront toujours à travers mes projets. Voilà pourquoi je dis que « ça explique peut-être mon retard » dans ce titre.
À l’écoute de « CONTRAINTES », on sent que c’est à ton tour de faire quelque chose. Est ce qu’en ce moment, tu sens le vent tourner ?
De manière générale, je sais qu’il y a beaucoup plus de gens qui m’écoutent, ce qui d’ailleurs me fait énormément plaisir ! À l’époque, quand j’ai commencé à faire du rap, je le faisais pour les gens de mon quartier. Aujourd’hui je vois que ma musique commence à prendre une tournure différente et je remercie tous les gens qui m’écoutent, cela me fait vraiment plaisir !
Dans le même titre, tu dis que les gens te trouvent intéressant quand tu as les poches pleines. Est-ce que tu peux développer ce sentiment ?
J’exprime ce ressentiment car quand tu ne fais pas d’oseille, tu n’es rien pour la société. À l’inverse, lorsque tu commences à grimper les échelons et que tu commences à faire carrière en vivant de ta passion, c’est à ce moment là que les personnes viennent à toi. Ils font ça par intérêt, c’est ce que j’exprime à travers cette chanson.
Ton rap est directement inspiré des 90’s. Cependant, dans ton flow tu rajoutes en permanence ta touche personnelle, actuelle et moderne. Est-ce volontaire ou naturel ?
Pendant les 90s, j’étais jeune et j’écoutais déjà beaucoup de rap. C’est ce qui m’a inspiré durant mon adolescence. Par le biais du rap de cette époque, j’ai pu faire mes premières armes ! J’ai pu acquérir cette écriture, cette touche 90’s car je suis de l’école du 94. C’est un rap qui était très porté sur les lyrics, mais je vis au moment présent et je me dois de conserver mon style et ma touche personnelle tout en réalisant un travail de qualité, original et nouveau.
Tu es signé depuis 2014 sur le label indépendant OVERDOSE PROD. Qu’est-ce que cela t’as réellement apporté ?
Ca m’apporte une très grande force, car il y a des gens qui me suivent et qui croient en ce que je fais. Ca me pousse justement à persévérer et à surpasser mes limites. Ca m’inspire pour continuer dans cette dynamique.
De manière générale, qu’est-ce que tu aimes dans le rap actuel et qu’est-ce que tu détestes?
Dans le rap actuel, j’aime la diversité. Il y a des personnes très talentueuses comme NIKSA, NIRO que je respecte particulièrement, tout comme des petits jeunes qui ont vraiment la dalle. C’est plaisant et inspirant puisqu’aujourd’hui il y a de plus en plus de monde qui se met à faire de la musique. C’est très diversifié ! Après tout est relatif mais on sent tout de même que le rap français est beaucoup plus démocratisé qu’il ne l’a été ! Ensuite, concernant l’aspect négatif, je trouve que le rap est très fermé entre les artistes. Il n’y a vraiment pas cette notion d’échange et de partage. Chacun fait son truc de son côté. Tout le monde reste avec les siens sans forcément s’ouvrir aux autres.
Justement, y aurait-il des artiste français avec qui tu voudrais collaborer ?
Un artiste français avec qui je voudrai collaborer : SALIF ! Je suis cependant ouvert à d’autres collaborations mais il est vrai que j’aimerai particulièrement faire un featuring avec lui (rires) ! Tu sais, j’écoute plus de rap que tous les plus gros sites de rap français !
(Rires) Cette punchline mérite d’être placée dans un texte !
(Rires) Je suis très porté sur le rap français, j’ai du savoir à ce niveau là. Pour revenir à ta question, j’aimerai aussi bosser avec NIRO, RIM’K & AP du 113 ! Je reste cependant ouvert à toute proposition de collaboration.
J’ai remarqué que la sape prend de plus en plus d’importance dans tes derniers clips ! Est-ce que tu peux me faire part de cela ?
J’ai toujours été porté sur la sape ! Dans mon quartier, et les gens pourront te le dire, lorsque j’étais plus jeune, il fallait que je sois bien sapé car n’importe quel mec pouvait t’interpeller dans le quartier afin de réaliser un clip. C’était vraiment très freestyle ! Il fallait être vif ! A tout moment il fallait être prêt et sauter sur ce genre d’occasion. C’était donc important d’être bien sapé pour le coup. Ca donnait une valeur ajoutée à ton clip !
Exact, c’est important ! SUPERBE est un média qui parle exclusivement des artistes français et des marques françaises urbaines. Aurais-tu trois noms de marques françaises que tu aimes ?
(Rires) Tu me poses une colle là ! J’aime beaucoup ce que fait PIERRE DESIGN, et la marque de mon pote que je porte actuellement !
Avant-dernière question, pourquoi est-ce que IGOR LDT #CESTSUPERBE ?
IGOR LDT #CESTSUPERBE car notre vision de la rue est SUPERBE (sans se la jouer Tony Montana) et puis un petit jeune de quartier comme moi voudrait bien s’en sortir et ça c’est vraiment SUPERBE !
Un dernier mot ?
Ouvrez tous vos portes car sinon je vais passer par la fenêtre et/ou même par la cave (rires) !
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Propos recueillis par @Hector Sudry Le Dû.
Retranscription par Teddy Pierre.
Crédit photos : @HarfeVisual.
IGOR LDT LIFE II TESS’ #CESTSUPERBE