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RENCONTRE AVEC : VICELOW « Les gens essayent de faire les super-héros lorsqu’ils parlent des réfugiés, alors qu’ils sont incapables d’ouvrir la porte à un inconnu qui meurt de froid en bas de chez eux. »

L’âge ne le rongera pas. Qu’on se le dise, la voix la plus rauque de l’un des groupes les plus marquantes du rap français, le SAÏAN SUPA CREW, n’en a pas fini ! VICELOW revient avec un nouvel EP, un amuse-bouche annonçant une suite musicale des plus intrigantes. Un artiste qui n’a pas la langue de sa poche et qui n’est pas là pour caresser le « Rap Game » dans le sens du poil, RENCONTRE AVEC…

VICELOW, comment vas-tu ? Pourrais-tu te présenter aux lecteurs de SUPERBE MEDIA qui ne te connaîtraient pas ?

Je vais très bien ! Mon nom d’artiste est VICELOW, je suis un rappeur qui exerce sa passion depuis plus de vingt ans et qui a évolué dans un groupe nommé SAÏAN SUPA CREW pendant plus de dix ans. Aujourd’hui je suis toujours dans la musique et beaucoup dans la danse.

Tout d’abord, peux-tu nous expliquer les origines de ton blaze ?

Le premier groupe de rap que j’avais lorsque j’étais adolescent s’appelait COMPLICES DU VICE. A l’époque je voulais trouver un blaze et VICELOW a découlé de ce nom de groupe.

A tes débuts, comment et pourquoi as-tu commencé à rapper ?

Au début, j’ai été attiré par l’écriture car j’en avais besoin. Après je suis tombé sur la compilation RAPATTITUDE en 1991, et j’ai commencé à suivre les groupes de rap qui la composait. Le rap était quelque chose de plutôt confidentiel dans les quartiers à l’époque, car les gens écoutaient plus de la funk. Puis j’ai commencé à rapper, avec mon premier groupe COMPLICES DU VICE etc… Mais c’est principalement l’écriture qui m’a poussé à rapper.

Quelles étaient tes références rap de l’époque ?

En rap français, c’était tout ce qui constituait la compilation RAPATTITUDE avec notamment NTM ou encore ASSASSIN. Il y avait également IAM, les LITTLE MC, MINISTERE A.M.E.R

Mais d’ailleurs, un autre blaze t’es souvent attribué : « Noir à Lunettes ». Pourquoi ?

Je me le suis auto-attribué dans l’un des mes textes dans le morceau ANGELA.

Tu as un fort relationnel avec la danse hip-hop. Ce qui est relativement rare en France. D’où cela vient-il ? Quelle est ta volonté en la mettant en avant dans tes clips et sur scène ?

De base, cela vient de depuis que je suis petit. Mes grands frères étaient fan d’artistes qui performaient comme PAULA ABDUL, JANET JACKSON et bien sûr MICHAEL JACKSON. Mais de façon générale, j’ai toujours aimé la danse et l’artiste qui me donnait le plus envie d’être sur scène quand j’étais petit, était MICHAEL JACKSON. Après j’ai choisi le rap et quand le SAÏAN SUPA CREW s’est arrêté, j’ai été de plus en plus souvent dans des évènements de danse avec les danseurs de mon entourage. Par la suite j’ai incorporé des danseurs dans mes shows rap, car ça a toujours été un rêve pour moi de le faire. La danse m’a toujours pris aux tripes. Je suis un passionné de danse même si je ne me considère pas du tout comme un danseur. Egalement j’aime énormément la communauté de danse, la transmission entre les générations etc… A travers mes projets, j’ai voulu développer des choses pour mettre en avant la danse comme avec ce que je fais à travers I LOVE THIS DANCE en tant qu’événementiel et en tant que média.

Tu as d’ailleurs choisi de mettre en avant les danseurs avec ton concept de vidéo allant dans le packaging de ton nouvel EP, le tout mis en image par LUC CHIEFARE, danseur également et issu d’une grande famille de danseurs. Peux-tu nous expliquer pourquoi cette volonté affirmée ?

LUC CHIEFARE, je ne le connaissais pas du tout en tant que danseur, mais en tant que réalisateur. On devait déjà bosser ensemble depuis un moment. Lorsque j’ai eu l’idée de faire le clip de SAÏTAMA, je cherchais une équipe. LUC CHIEFARE m’a aidé en tant que chef opérateur et nous avons co-réalisé le clip. Après c’était un trip dans ma tête, ce son m’a inspiré ce concept autour de la danse pour le visuel du clip.

D’ailleurs, on voit très rarement de breakdance dans tes projets. Pourquoi ?

C’est une question de sensibilité. J’aime la danse au sens large du terme. Après dans tout ce qui est bboying à l’heure actuelle, je trouve qu’il y a beaucoup de compétitions et le côté athlétique et performance me parle beaucoup moins. C’est une question de feeling.

Est-ce que tout cela à un rapport direct avec la création de ton concept « I LOVE THIS DANCE » ?

Oui ça devait se faire. J’ai eu des opportunités et je suis allé au bout !

Ce côté « spectacle » a toujours été présent chez toi, surtout quand on pense à ton passif avec le SAÏAN SUPA CREW. Est-ce quelque chose d’indispensable dans la vision brut de ton art ?

Oui. C’est une école ! Je fais parti d’une génération avec laquelle j’ai regardé beaucoup d’artistes qui m’ont fait rêvé comme cela. Lobjectif c’est la scène. Ce sont les sensations premières.

Dans une interview, tu dis qu’en France : « Quand tu passes la trentaine tu fais parti d’une certaine école », et tu poursuis avec : « mais moi je ne suis d’aucune école » . Peux-tu nous expliquer tout cela ?

Je voulais dire qu’à partir d’un certain âge tu fais parti d’une certaine école. A travers mon vécu et ce que nous avons fait avec le SAÏAN SUPA CREW, on était déjà à part. Ce n’était pas l’âge qui faisait notre école, mais notre propre univers. Aujourd’hui j’approche la quarantaine et je me rends compte que je fais partie d’une certaine école et dans le rap et c’est quelque chose de naturel. Dans le rap, dans le hip-hop et dans la rue, les générations sont très importantes. C’est un milieu dans lequel il y a toujours un rapport conflictuel entre les jeunes et les anciens. C’est propre à la culture hip-hop et c’est assez spécial. Dans d’autres courants musicaux, il n’y a pas ce défi permanent entre générations. Après je pense que c’est du à ce qu’apporte l’énergie de la jeunesse dans la culture hip-hop. C’est une force mais il y a une part d’immaturité également.

Tu dis également « Ce n’est peut être que maintenant que les gens vont ressentir le level de ce que le SAIN SUPA CREW a pu faire » . Que voulais-tu dire par là ?

Je trouve qu’on était un groupe qui n’a jamais été reconnu à sa juste valeur en France. On était des “O.V.N.I”. Je considère qu’à l’époque on était le groupe le plus musical et le plus hip-hop du rap français. J’ai maintenant vingt ans de métier et même sans être le meilleur groupe de rap, on était trop à part. Mais il y avait des choses sur lesquelles on était en avance (dans la mentalité), comme le fait d’exprimer musicalement du jazz, du zouk ou encore du reggae. Les gens qui nous pointaient du doigt avec ANGELA, sont les premiers à faire du zouk ou de l’afro trap aujourd’hui. Aujourd’hui c’est la jeunesse qui dicte les courants musicaux et ces artistes là suivent en allant dans cette hype. En vérité c’est un malaise que l’on a toujours eu avec le groupe car nous étions vraiment sincères dans notre art.

Le SAIAN SUPA CREW a marqué son empreinte dans les années 2000 en France et dans toute l’Europe. Un retour est il envisageable ? Ne serait-ce qu’avec OFX ?

Alors avec FEFE non. On nous a souvent sollicité depuis que le SAÏAN SUPA CREW est terminé. Mais de l’eau a coulé sous les ponts depuis. L’objectif aujourd’hui c’est d’être libre artistiquement. Cependant l’année prochaine, ce sera les vingt ans de la sortie de KLR, notre premier album et je pense que cela a le mérite d’être fêté.  Mais je pense aussi que ce que l’on a accompli en tant que groupe, était une belle aventure et qu’il ne faut pas la salir et faire quelque chose de nouveau qui sera beaucoup moins bien que ce que l’on a déjà fait. A l’époque et après le drame de KLR, il y a eut un truc qui n’a jamais été préparé et qui a fait ce que SAÏAN SUPA CREW a accompli de belles choses. Malgré tout ce serait dommage de ne pas faire quelque chose pour ces quelques dates importantes de ce que le SAÏAN SUPRA CREW a apporté artistiquement.

Tu as sorti ton dernier EP intitulé « MID » il y a quelques semaines, alors que ton dernier projet date de 2012. Pourquoi avoir mis tout ce temps pour sortir MID ?

Entre 2012 et aujourd’hui, le milieu du rap a énormément évolué. Il fallait que je prenne le temps d’analyser et que si je reprenne le micros, je ne reparte pas. Là je suis revenu à la base.

Doit on interpréter le titre « MID » , comme un projet intermédiaire annonçant l’arrivée d’un plus gros ?

Plus long déjà oui ! C’est pour annoncer l’évolution et la suite de VICELOW en solo.

Ton titre « MBB » est une critique sociale à charge contre la société et ses fatalités. Dans quel mood étais tu lors de l’écriture ?

Ce n’est pas à charge, c’est un constat. La société impose un train-train quotidien, impose les inégalités etc… C’est le constat aussi de voir que dans cette grisaille la jeunesse se défonce de plus en plus alors que les darons bossent pour assurer le futur de leurs enfants etc … C’est un constat !

« SAÏTAMA » est l’un des titres de cet EP et revient régulièrement dans sa lecture globale. Quel est la signification de « SAÏTAMA » ?

SAÏTAMA est le personnage du manga ONE PUNCH-MAN. Un super-héros malgré lui, que je trouve moderne. Il est socialement en marge mais fait sa justice de son côté, non pas pour sauver le monde mais pour se sauver lui-même ! Aujourd’hui, l’humain est égoïste et tout notre confort est présent au détriment d’autres peuples qui n’ont rien. On essaye de se donner bonne conscience en posant des messages sur les réseaux, en débattant etc… C’est hypocrite ! Les gens ne naissent pas égaux. Nous sommes juste privilégiés dans notre merde. Les gens essayent de faire les super héros lorsqu’ils parlent des réfugiés, alors qu’ils sont incapables d’ouvrir la porte à un inconnu qui meurt de froid en bas de chez eux. On demande à la France de faire certaines choses, sans se demander à nous-même ce que l’on serait capable de faire à titre personnel.

Sur« MIDNIGHT » et sur « JAMAIS », tu abordes concrètement l’aspect chanté de ta musique. Quel déclic t’a fait passer à concrètement sur cet aspect de ton art ?

C’est quelque chose qui m’a toujours plu. J’ai cherché la formule. JAMAIS est un remix d’un autre JAMAIS que je n’ai jamais sorti. Musicalement ma voix ne prend pas la même place lorsque je pose sur de l’acoustique et de l’organique. Je suis en pleine recherche. Sur le prochain album, il y aura de tout.

Qu’aimes-tu dans le rap actuel ? Et à l’inverse, que détestes-tu ?

Aujourd’hui ce que j’aime c’est l’ouverture, les influences multiples et les différentes approches. J’aime mois que les artistes se créent des personnages, tout en oubliant leur côté humain. Au delà du niveau et de la qualité musicale, c’est l’humain qui me parle. Avec internet, les vies que les artistes se font sur les réseaux, le fait qu’ils remplissent des salles sans même avoir sortie d’album, sans même avoir fait une tournée. Ils s’y croient déjà. Ils ont un gros boulard et moi ça ne me parle pas ! L’égocentrisme et le narcissisme font que l’on perd cette simplicité et cette sensibilité dans l’art.

On sent que tu aimes la sape et je suis d’ailleurs tombé sur une vieille photo de toi portant du TWELVE INCH. Qu’est ce que tu aimes dans le fait de te saper ?

Pas tant que ça en vérité ! Je ne suis pas trop un mec de la mode. Après ce que j’aime, c’est la création esthétique pour aller au bout de mes projets. Après je fais quand même un minimum attention.

Quelles sont tes trois marques de sapes françaises préférées ?

Je fais un big-up aux mecs de NORTH HILL et après j’en citerais simplement une deuxième : MARCHÉ NOIR.

Pourquoi VICELOW #CESTSUPERBE ?

C’est real, c’est authentique, c’est moi !

Derniers mots.

Soyez qui vous devez être ! Dans la balance, tentez de mettre un peu plus de love et puis si dans tout ça vous pouvez écouter un peu de VICELOW, c’est pas plus mal !

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Propos recueillis par @Hector Sudry Le Dû.

Crédit photos : @HarfeVisual.

Crédit Vidéo : @HarfeVisual

VICELOW MID #CESTSUPERBE