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RENCONTRE AVEC : SMAIL KANOUTE, l’expression d’un être humain sensoriel

Le contact a d’abord été visuel et emprunt de curiosité. Avec ses graphismes redondants associés à une gestuelle d’autodidacte, SMAIL KANOUTE a une volonté d’expression évidente. Touche-à-tout, ses oeuvres sont visibles sur scène, dans la rue et sur les murs, avec toujours ce petit “on ne sait quoi” qui fait la différence. Un parcours atypique pour une personnalité discrète mais terriblement touchante. Rencontre avec…

… SMAIL KANOUTE, comment vas-tu? Pourrais-tu te présenter aux lecteurs de SUPERBE qui ne te connaîtraient pas ?

Bonjour, SMAIL KANOUTE, j’ai 30 ans, je suis franco-malien et j’habite à Paris. Je suis graphiste, danseur et sérigraphe. J’ai fait mes études aux arts décoratifs de Paris et je danse actuellement pour la compagnie de Radhouane El Meddeb dans le spectacle « HEROES » et je suis également chorégraphe/interprète dans le spectacle « Les Actes du désert » de la Compagnie « Vivons » .

Est-ce que ta sensibilité artistique en tant que danseur se retrouve sur tes œuvres plastiques ?

Lors de soirées, je communiquais énormément avec les gens par le biais de ma danse, avec les mots je n’y arrivais pas. Donc je me lâchais vraiment. C’était aussi une manière d’explorer la danse au sens large et de me laisser guider par les sensations musicales, exactement comme dans mes créations plastiques. J’aime superposer plusieurs styles de motifs provenant de différentes cultures. Pour mes chorégraphies dansées, je vais mélanger plusieurs styles pour créer des passerelles. L’art et la danse sont une meme chose car un movement est un motif, il a une forme, une intention, un rythme et se multiplie dans l’espace.

Tu fais également de la sérigraphie. Es-tu d’abord un artiste s’exprimant sur du vêtement ou un créateur de mode ?

J’ai appris la sérigraphie à Rio De Janeiro (Brésil) avec mon ami « Deug » qui habitait là-bas. J’ai mis un premier pied dans la sérigraphie artisanale. Puis, quand je suis retourné à la fac en France, j’ai enchaîné les productions de tee-shirts. Personnellement, je crée le dessin par le motif. Dessiner des choses réelles ne m’a jamais intéressé. Le motif est donc la base de mon art. Lorsque je danse, je suis dans la forme, je crée des lignes, des ronds etc… Donc le motif est tout le temps là, j’essaye juste de l’adapter à chaque nouveau support. Le textile est venu bien plus tard, mais je ne voulais pas réutiliser des motifs wax que je voyais partout, je voulais partir de mes propres imprimés pour créer mes propres tissus et en faire des volumes. Pour moi, c’est aussi montrer aux gens que l’on peut créer par soi-même. Beaucoup de gens ont peur du motif car il peut trop charger une pièce, mais pas moi. On peut retrouver mes créations sur de la toile ou du vêtement, pour moi il n’y a pas de limites. Ma démarche est vraiment de créer le motif et après de chercher le support sur lequel je peux l’utiliser. L’art et la danse sont une meme chose car un movement est un motif, il a une forme, une intention, un rythme et se multiplie dans l’espace.

Est-ce que le fait de mettre tes œuvres sur du vêtement est une forme d’affichage dans la rue ?

Pour moi c’est une forme de présentation et de street art car ce sont des pièces uniques faites à la main. Donc de l’artisanat. Ce sont donc des œuvres car ce sont des créations uniques.

Retrouve-t-on tes créations dans la rue ?

Au niveau des vêtements, oui c’est possible. Après ce sont des pièces uniques, donc la probabilité de croiser des gens les portant est assez faible. J’ai essayé d’afficher mes œuvres dans la rue mais je n’ai pas creusé plus que ça. De temps en temps, avec des amis graffeurs, je dessine mes motifs en guise de toile de fond de leurs graffitis.

Tu peins depuis plus de 15 ans, est ce que l’intérêt grandissant du public amateur et professionnel pour le mouvement street art t’a ouvert certaines portes ?

Il est vrai que de plus en plus de personnes suivent de prêt ou de loin mes travaux. Au niveau des galeries, je ne suis pas encore dans ce circuit là, mais en dansant avec des artistes qui exposent en galeries sur des projets communs, j’arrive à amener petit à petit autre chose. Quand j’ai dansé avec Philippe Baudelocque, qui réalise des dessins à la craie, le fait de mélanger le street art à la danse était quelque chose de relativement inédit. Nous avons présenté la performance « PROJECTIONS » au festival FRAGMENTS en Novembre 2016 puis au festival SEQUENCE DANSE au CENTQUATRE PARIS en avril 2017 . C’était magnifique ! le street art, la danse, la peinture… Tout se mélange. Les galeries viendront j’en suis sûr. D’ailleurs en septembre 2016, j’ai exposé pour la Foire d’Art Contemporain de Rouen à la galerie AGNEZ ART GALLERY et D’octobre à décembre 2016, j’ai performé au Palais de Tokyo dans le cadre de l’exposition de Tino Sehgal.

Ces moments artistiques uniques sont-ils importants pour toi ?

Oui, c’est ce qui rend le moment magique. Dans la vidéo « UNIVERS » avec Philippe Baudelocque, j’efface son œuvre alors que personne ne s’y attend et c’est ce qui la rend encore plus belle. La répétition m’intéresse beaucoup moins

Pourtant une partie de ta pratique artistique est basée sur la répétition.

La démarche de la répétition ne m’intéresse pas, mais le rendu visuel si. Une fois que les motifs sont là, la technique de la sérigraphie donnera un résultat tout le temps différent. L’impression me sert pour le rythme.

Quelles sont les valeurs que tu veux faire ressortir de tes travaux ?

Je réalise un art généreux que je fais pour partager, échanger et vivre sur l’instant. Je présente des instants, des improvisations de mon ressenti. Je n’ai jamais de schéma. Je ne fais jamais de croquis. Je n’ai jamais de brouillon. J’ai la toile, j’essaye, je fais. Soit je garde, soit je repasse par dessus quand je ne suis pas satisfait. Parfois je garde des toiles plusieurs années puis je repasse par dessus en laissant apparaître des morceaux de l’ancienne.

Quels sont tes projets à venir ?

Je vais présenter mon premier spectacle « Les Actes du désert » à Mains d’œuvres, les 9 et 10 novembre 2017 . Ce spectacle parle l’histoire de ma famille, du désert au Mali et des migrants. Je vais continuer à collaborer avec le festival AFROPUNK à Paris pour lequel j’ai customisé une paire de DR MARTENS lors de la dernière édition. Le 7 octobre 2017, je présente la performance « CALLIDANSE » à l’Institut des Cultures d’Islam en collaboration l’artiste Sifat, lors de la NUIT BLANCHE. Pour les 30 ans de l’Institut du Monde Arabe, je présenterais égalament le prologue « Je suis né le 20 septembre 1986 » des Actes du désert, dans la Carte Blanche d’Oxmo Puccino.

Derniers mots ?

Quand on veut, on peut ! Il faut foncer mais être patient. Mon plus grand rêve était d’être danseur et il s’est concrétisé. Dans la vie, ce qui est important ce sont les rencontres. Ce sont les rencontres qui m’ont permis d’évoluer.

Propos recueillis par I.Y.

Crédit photos : @SUPERBE.

SMAIL KANOUTE #CESTSUPERBE